Introduction
Les cochenilles
appartenant à la famille des Diaspididae sont
exceptionnelles
lorsqu'on les compare aux autres cochenilles, aux
hémiptères ou même aux insectes en général. Par exemple, elles
fabriquent un bouclier
protecteur en dessous duquel elles
restent cloîtrées la majeure partie de leur existence et elles ne
produisent pas de miellat.
La femelle continue de
croître après la mue
au stade adulte et elle conserve ses caractères juvéniles.
La famille des Diaspididae est la plus évoluée des cochenilles (Coccoidea). La distribution est mondiale et compte 405 genres et 2479 espèces (site Scalenet, jan. 2013). Bien qu'elles causent des dommages aux végétaux, moins de 10 % des espèces connues ont des impacts sur les cultures (McClure dans Rosen, 1990). Leurs boucliers mesurent rarement plus de 3 mm et sont difficiles à observer. Toutefois, leur présence est parfois évidente lorsqu'elles s'établissent en grandes colonies de centaines de sujets. Leur faible capacité à se disperser crée parfois une infestation locale importante, alors que les végétaux voisins sont épargnés. Qu'est-ce qui les
distingue des
autres familles de cochenilles?
Diverses formes
de boucliers
Parmi les
cochenilles, les Diaspididae construisent la plus élaborée
des protections contre les prédateurs et les produits
chimiques
appliqués pour les contrôler. Le bouclier est une structure externe,
édifiée par l'insecte, composée de filaments cireux, d'une ou deux
exuvies
et, pour lier le tout, d'un ciment sécrété par la cochenille. On peut
donc détacher le bouclier sans blesser l'insecte qui ne survivra
toutefois pas à l'exposition à l'air libre et mourra, desséché.
La taille, la forme, la texture et la couleur du bouclier varient selon l'espèce. Certains sont circulaires ou ovales et d'autres en forme de virgules, rappelant la forme d'un coquillage. En général, bien que cela ne soit pas toujours le cas, la forme du corps de la cochenille, ronde ou allongée, détermine l'allure du bouclier. Chez certaines espèces, le bouclier dorsal de la femelle peut être accompagné d'un bouclier ventral mince ou épais. À l'exception des cochenilles cryptogynes, les femelles construisent leur bouclier durant les trois stades du cycle de vie. Généralement, le bouclier du mâle est différent de celui de la femelle, car il l'érige uniquement durant les deux premiers stades de croissance. Il est plus petit, sa forme est plus allongée et comprend une seule exuvie, souvent décentrée. Sa texture peut être lisse comme celui de la femelle ou feutrée. Chez quelques genres, par exemple Pinnaspis, Chionaspis, Unaspis et Aulacaspis, on observe toujours une ou trois crêtes longitudinales à la surface du bouclier feutré. Chez d'autres cochenilles mâles à bouclier feutré, on observe aucune crête (Foldi dans Rosen, 1990). |
Plusieurs milliers de Cochenilles virgule du pommier (Lepidosaphes ulmi) tapissent le tronc d'un peuplier. Les aiguilles d'un jeune pin sont couvertes de cochenilles (Chionaspis sp.) Bouclier circulaire sur une aiguille de sapin. Bouclier qui rappelle la forme d'un coquillage. La Cochenille virgule du pommier (Lepidosaphes ulmi) sur du pachysandre. |
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La Cochenille virgule du pommier (Lepidosaphes ulmi) détachée de l'écorce d'un peuplier révèle la présence d'un bouclier ventral qui enfermait complètement la femelle, morte après avoir déposé ses oeufs et ceux-ci, prêts à hiberner. |
Mâle: bouclier blanc feutré, allongé, portant trois crêtes longitudinales et une seule exuvie orange (e1). Femelle: le bouclier n'est pas complètement érigé. L'exuvie de premier stade semblable à celle du mâle (e1) et le dos du stade deux (e2), ovale et plus gros. |
Étapes de fabrication du
bouclier
Des chercheurs
ont étudié en détail la fabrication du bouclier circulaire
d'Aonidiella aurantii.
Ils ont observé que dès qu'il a trouvé un site
qu'il juge adéquat, le stade mobile entre ses stylets
dans la plante,
commence à se nourrir et produit
de minces filaments blancs. Les fils
s'entremêlent au-dessus de la nymphe et créent une espèce de feutrage.
Trente à 40 minutes après le début des sécrétions, l'insecte se met à
pivoter autour des
stylets, en parcourant des allers-retours de 270 à 315
degrés. C'est ce mouvement
oscillatoire, accompagné par la production
de sécrétions, qui donne une forme circulaire au bouclier (Foldi dans
Rosen, 1990). En six
à 10 heures, un bouclier blanc, en forme de disque, est formé au-dessus
de la cochenille (A). Par la suite, elle produit un liquide anal qui
durcit
et cimente le disque. Elle continue de croître et de
produire des
filaments qui étendent le disque (A').
La nymphe passe au second stade en muant. La cuticule se fend le long du corps et la partie dorsale est poussée contre la partie centrale inférieure du bouclier (B). Après la mue, la cochenille est complètement dépourvue de pattes. Les mouvements subséquents sont alors effectués par des contractions du corps. Les microstructures du pygidium (palettes, peignes et soies) jouent le rôle de truelles en étalant les sécrétions. L'insecte continue de croître, de produire des filaments en périphérie du bouclier et de les cimenter (B'). Le bouclier s'élargit et s'aplatit. La femelle devient adulte au troisième stade en muant de nouveau. L'exuvie est plaquée sur la surface interne centrale du bouclier (C). Des filaments sont présents entre les deux exuvies. La femelle continue de croître en se déplissant et continue d'édifier son bouclier en sécrétant des filaments en bordure du bouclier, pour l'agrandir (C'). De petites particules présentes à la surface de l'hôte peuvent être incorporées au bouclier. Une étude de la composition chimique du bouclier d'Aonidiella aurantii a démontré qu'il était composé de 45 % de cire, 47 % de substances protéiniques et de 8 % d'exuvies (Foldi dans Rosen, 1990). Au second stade, le corps du mâle s'allonge et il effectue des oscillations de moindre ampleur. C'est ce qui donne au bouclier une forme allongée, avec l'exuvie de la première mue décentrée (B'). Le mâle cesse d'édifier le bouclier lorsqu'il passe au troisième stade (prépupal). |
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Légende des illustrations ci-dessus. Chacune des quatre illustrations présente une vue du dessus du bouclier avec la vue de profil. A = calotte faite de sécrétions du stade un || A' = sécrétions du stade un, ajoutées à la calotte || A' ' = sécrétions du stade un, sans calotte || B = exuvie du stade un || B' = matériel sécrété par le stade deux || C = exuvie du stade deux || C' = sécrétions du stade trois || D = sécrétions du stade trois (femelle adulte) comme clapet de sortie de sa progéniture, au stade mobile || D' ' = sécrétions du stade deux (mâle), comme futur clapet de sortie de l'adulte. | ||
Une femelle Diaspidini avec deux exuvies (jaunes à gauche) imbriquées dans le bouclier. |
Deux cochenilles à bouclier sous les aiguilles d'un sapin. |
Parfois les cochenilles s'établissent très près les unes des autres et ne peuvent édifier leur bouclier normalement. Au centre une cochenille dont le bouclier est en carré. |
Reproduction
Les
modes de
reproduction peuvent être de type uniparental
(reproduction par parthénogenèse, c'est-à-dire sans que la femelle ne
soit fécondée par un mâle) ou biparental
(reproduction après fécondation de la femelle par le mâle). Parfois, on
observe chez une même espèce, des populations qui sont d'un type ou de
l'autre.
Par exemple Lepidosaphes
ulmi, Aspidiotus
nerii, Chrysomphalus
dictyospermi ou Pinnaspis
aspidistrae (Gerson dans Rosen, 1990).
Chez les Diaspididae, on trouve tous les types de naissances, certaines espèces adoptant même plus d'un mode. Beaucoup d'espèces sont ovovivipares, c'est-à-dire que l'oeuf contient un embryon complètement développé qui éclot quelques heures ou quelques jours après l'oviposition. Parfois, l'oeuf éclot durant l'oviposition. Chez d'autres espèces, la femelle commence par donner naissance à des nymphes, puis ensuite à des oeufs. Certaines espèces comme Quadraspidiotus perniciosus sont vivipares alors que d'autres sont ovipares, comme Lepidosaphes ulmi dont les oeufs éclosent au printemps suivant (Koteka dans Rosen, 1990). Alimentation
Les
Diaspididae s'établissent surtout sur les arbres et les arbustes
mais aussi sur diverses plantes vivaces. Ils peuvent s'alimenter sur
différentes
parties de leur plante-hôte,
c'est-à-dire le tronc, la tige, les feuilles, les fruits et plus
rarement, sur les racines. Pour se nourrir, la cochenille injecte de la
salive qui prédigère les tissus du méristème
de l'hôte. Le liquide
est ensuite prélevé par le bec (rostre) (Foldi dans Rosen, 1990).
Les cochenilles qui s'alimentent sur les feuilles font courir leurs
longs
stylets
parallèlement à la surface de la feuille. Le trajet des stylets
des cochenilles qui se développent sur le tronc des arbres est moins
bien connu (McClure dans Rosen, 1990).
Le système digestif des Diaspididae est unique chez les cochenilles. Il n'y a pas de lien direct entre l'estomac et l'intestin. Les fluides transitent plutôt via les deux larges tubes de Malpighi. De plus, contrairement à ce qu'on observe chez plusieurs familles phytophages d'Hémiptères, le système digestif ne comporte pas de chambre filtrante. L'anus ne produit pas de miellat mais une sorte de ciment qui maintient ensemble et durcit les filaments produits par des glandes du pygidium. La cochenille doit pourtant absorber une grande quantité de fluides de la plante-hôte pour s'alimenter. Il est possible que l'insecte dispose de ses déchets en les retournant à l'hôte. La morphologie des glandes salivaires, qui semblent surdéveloppées pour ne remplir que la fonction d'alimentation, appuierait cette thèse (Banks dans Rosen, 1990). Durant leur vie, les cochenilles ne s'alimentent pas de façon continue. Par exemple, durant le premier stade où l'insecte est mobile et cherche l'endroit idéal où s'établir, il ne se nourrit pas et on suppose qu'il ne « goûte » pas les sites explorés (Koteka dans Rosen, 1990). Dès le troisième stade et jusqu'à leur mort, les mâles ne s'alimentent pas. Des expériences effectuées sur Aonidiella aurantii ont démontré que le premier stade dure environ 11 jours à une température de 28 C° et que la cochenille ne s'alimente pas durant la mue qui dure huit jours. L'insecte perd alors près de la moitié de son poids (Foldi dans Rosen, 1990). Aussi peu qu'une trentaine d'espèces fabriquent des galles. La protection qu'offre le bouclier explique peut-être l'absence de besoin d'une protection additionnelle. Les galles ne recouvrent généralement pas la cochenille. On pense que l'effet de l'alimentation prolongée au même endroit crée une force puits similaire à celle créée par les galles (Larew dans Rosen, 1990). Morphologie
Les
clés de détermination sont basées sur la morphologie des femelles
adultes. Les mâles adultes, complètement différents des femelles, ne
vivent que quelques jours et ne peuvent être observés avec autant de
facilité. La détermination de ces insectes doit être confirmée par un
expert, à partir d'un spécimen adulte femelle qui est monté entre lame
et lamelle.
La morphologie de certains Diaspididae change en fonction de l'endroit
où ils s'établissent sur la plante-hôte à un point tel qu'on a cru
observer des espèces différentes qui, en fait, appartenaient à la même
espèce (McClure dans Rosen, 1990). Le bouclier ne fait pas partie du
corps
de l'insecte mais est érigé par lui pour se protéger.
La femelle La forme des femelles matures varie d'une espèce à l'autre. Elles peuvent être très allongées ou circulaires (voir illustration à droite) mais sont le plus souvent modérément allongées et fusiformes. La cochenille atteint la maturité en trois stades. Au premier stade, elle ressemble au mâle. Au second stade, elle n'a plus de pattes et ses antennes se réduisent à un seul article. Le stade adulte est similaire au stade deux. On dit que les cochenilles sont néoténiques car, au stade adulte, la femelle conserve les caractères juvéniles du stade précédent. Elle n'a pas de pattes, pas d'ailes et le thorax est fusionné à l'abdomen pour former une sorte de sac aplati. Les segments postérieurs de l'abdomen sont fusionnés et forment le pygidium qui porte les microstructures (palettes, peignes) permettant d'ériger un bouclier. Les stylets mesurent généralement plusieurs fois la longueur du corps de l'insecte et lui permettent d'atteindre sa nourriture malgré le fait qu'il soit immobile durant la presque totalité de son cycle de vie (voir ici les stylets similaires de la cicadelle). À chaque mue, les stylets sont abandonnés dans l'hôte et régénérés à partir de cellules situées à la base du rostre (McClure dans Rosen, 1990). Fait inhabituel chez les insectes, la femelle continue de croître après avoir mué au stade adulte. Son corps très plissé lui permet de prendre de l'expansion ou même de changer de forme lorsque les « plis » se détendent (Hill et al., 2011). La taille de la femelle à pleine maturité mesure entre 1,0 et 1,5 mm, rarement plus de 2 mm (Takagi dans Rosen, 1990). Son bouclier mesure entre 1 et 2 mm de diamètre ou 2 et 3 mm de long (Foldi dans Rosen, 1990). |
Légende de l'illustration ci-dessus. a, bouclier femelle adulte (circulaire) b, bouclier mâle adulte (allongé) c, bouclier d'une jeune cochenille (plus petit) d et agrandi en d', stade mobile e, bouclier détaché pour observer une femelle. Le pygidium joue un rôle clé dans la production du bouclier. Ses muscles développés permettent à la cochenille de tourner et d'étaler la cire et les sécrétions anales. C'est le pygidium qui porte les glandes productrices de cire, l'orifice anal, les peignes, les palettes et les soies. |
Le mâle Il mesure rarement plus de 1 mm de long, en excluant l'appareil génital qui, à lui seul, mesure environ la moitié de la longueur du corps. L'adulte est presque toujours ailé. Les ailes antérieures sont longues et atteignent généralement l'extrémité du corps, en excluant l'appareil génital. Elles sont membraneuses et portent deux nervures. Les ailes postérieures sont réduites à deux balanciers. Les six pattes sont longues et fines et se terminent par un tarse d'un ou deux articles et une seule griffe (Giliomee dans Rosen, 1990). Le mâle possède deux yeux écartés sur le dessus de la tête et deux yeux étroitement rapprochés sur la zone ventrale de la tête. Certaines espèces ont aussi des ocelles. Les antennes sont bien développées et comportent généralement dix articles mais parfois neuf chez les espèces aptères. Des différences importantes s'observent au sein d'une même espèce. Ces différences morphologiques sont reliées au site d'alimentation (feuille ou écorce) (Takagi dans Rosen, 1990). |
Cycle de vie des mâles et des femelles | |
Stade un - femelle
et mâle - stade mobile
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Stade deux - femelle
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Stade deux - mâle
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Stade trois -
femelle - adulte
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Stade trois - mâle -
prépupal
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Stade quatre - mâle -
pupal
Stade cinq - mâle -
adulte
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