Voir aussi → | Enchenopa binotata | | | Thelia bimaculata | | | Vanduzea arquata |
Origine du complexe d'espèces Enchenopa binotata | ||
L'ancêtre d'Enchenopa binotata,
jadis polyphage et multivoltin est présumément
d'origine tropicale, d'après Wood & Guttman (1982). Le choix
d'hôtes à feuilles caduques sur lesquels l'espèce s'est
établie en Amérique du Nord a favorisé l'isolation reproductive, puis
l'apparition de nouvelles espèces-hôtes. Les éléments clés de
cette
spéciation sont les suivants: -la femelle pond ses oeufs près des tissus vasculaires, sous l'écorce d'un arbre ou d'un arbuste. -l'oeuf desséché hiberne et sort de dormance avec la montée de sève qui survient, pour chaque hôte, à des dates différentes. En conséquence, les oeufs n'éclosent pas au même moment. -le développement des colonies-hôtes est désynchronisé et les adultes atteignent leur maturité sexuelle à des moments différents. -E. binotata est plutôt sédentaire sur son hôte. La femelle s'accouple une seule fois, contrairement au mâle, à faible longévité et qui dispose de peu de temps pour aller s'accoupler avec les femelles des hôtes différents du sien, qui atteignent leur maturité à un moment différent. De là, l'isolation reproductive. D'après Wood (1993a), les conditions essentielles requises à l'évolution d'E. binotata en différentes espèces sont: l'univoltisme (génération annuelle unique), la ponte dans les tissus vasculaires d'hôtes à feuilles caduques, la synchronisation élevée des cycles de vie, les femelles qui s'accouplent une seule fois et la faible vagilité (tendance à se déplacer). |
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Enchenopa binotata femelle, 23 septembre, près de sa ponte sur la Viorne flexible (Viburnum lentago). | ||
Différences entre les espèces-hôtes | ||
Les adultes des
espèces-hôtes sont semblables. Toutefois, les éléments suivants
diffèrent suffisamment pour être mesurés ou observés: la forme et la
composition de la masse d'écume couvrant leurs oeufs (Wood, 1980), la
couleur et les
projections dorsales des nymphes (Pratt & Wood 1992) et le type
des vibrations émises par les mâles pour attirer les femelles
(Rodríguez et al.,
2004). Test de fidélité à l'hôte
de naissance
Wood (1980) a installé dans une cage de 1,2 mètre carré les hôtes
suivants: Bourreau-des-arbres, Gainier rouge, Noyer noir, Ptéléa
trifolié, Robinier faux-acacia et viorne. 50 mâles et 50 femelles
capturés sur chacun de ces types d'hôtes, ont été mis en cage et
observés à toutes les
heures ou heures et demie, de 8 h à 21 h, du 13 juin
au 31 août 1977.
Chacun des 600 individus était identifié par un code de couleur
l'associant à son hôte de
naissance. Wood a constaté que, malgré la proximité extrême des hôtes
et des individus, le choix d'un partenaire pour la reproduction ainsi
que l'hôte choisi par la femelle pour pondre étaient notablement
associés à l'hôte correspondant à celui de la naissance. |
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Pontes | ||
Pontes sur un hôte
d'adoption: fidélité et viabilité
Wood & Guttman (1983) ont capturé des femelles provenant de
six hôtes différents (Bourreau-des-arbres, Gainier rouge, Noyer noir,
Ptéléa
trifolié, Robinier faux-acacia et Viorne à feuilles de prunier). En
liberté, celles-ci avaient déjà commencé à
pondre sur leurs hôtes respectifs. Les auteurs les ont confinés dans
une cage en présence d'hôtes différents de celui de leur naissance. À
part le Gainier rouge, universellement accepté comme hôte d'adoption,
les femelles refusèrent de continuer à pondre sur la plupart des hôtes
offerts, sauf s'il correspondait à celui de leur naissance. Le nombre
de pontes
était moins élevé sur les hôtes d'adoption. Le printemps suivant, le nombre de nymphes et leur taux de survie sur les hôtes d'adoption étaient plus petits. Par exemple, les pontes par Enchenopa-noyer sur le noyer ont donné 113 nymphes avec un taux de survie de 17%. Par contre, les pontes par Enchenopa-noyer sur le Gainier rouge, un hôte d'adoption, ont donné seulement neuf nymphes et aucune n'a survécu. |
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Décalage des éclosions et
isolation reproductive
Le site de ponte
est, pour tous les hôtes sauf le Gainier rouge, une tige d'un
diamètre
mesurant entre 2,8 et 4,9 mm (Wood, 1980). La femelle insère son
ovipositeur
sous l'écorce de la tige et y dépose quelques oeufs en contact avec les
tissus vasculaires de l'hôte. Ces derniers, au printemps suivant,
permettront la réhydratation des oeufs qui se seront desséchés durant
l'hiver (Wood et al.,
1990). La montée de sève des divers hôtes où se sont établis
les E. binotata
du complexe d'espèces ne se produit pas au même moment.
Les oeufs éclosent alors à des périodes différentes et en conséquence,
la maturité sexuelle des adultes est décalée d'un hôte à l'autre,
favorisant ainsi l'isolation reproductive par hôte. |
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Écume couvrant la
ponte: protection et pouvoir d'attraction
Enchenopa binotata
est le seul Membracide en Amérique du Nord à couvrir
ses oeufs d'une substance protectrice (Wood, 1982). Blanche, à l'allure
d'écume et étalée en cordons réguliers sur les incisions pratiquées
dans
l'écorce de la tige, elle protège la ponte des prédateurs. Plus
remarquable encore, elle contient une substance qui attire les femelles
du même hôte et les incite à pondre à proximité de pontes existantes.
On
observe alors souvent une lignée de petites masses écumeuses qui se
chevauchent parfois. Au printemps suivant, grâce au
synchronisme
des éclosions, le grand nombre de nymphes en présence sur une tige
aurait, d'après
Wood (1982), un plus grand pouvoir d'attraction des fourmis et, par la
protection qu'elles assurent, un meilleur taux de survie des
nymphes.Décalage diurne des pontes
et fidélité des femelles à leur hôte
Wood (1980) a observé qu'entre 68 et 90% des femelles sur le
Bourreau-des-arbres, le Gainier rouge, le Ptéléa trifolié ou les
viornes pondent le matin, et de ces hôtes, les femelles des viornes
sont les seules à pondre
parfois en après-midi. 57% des femelles du Robinier faux-acacia pondent
en soirée. En captivité, des femelles en présence des divers hôtes du
complexe Enchenopa
ont choisi massivement voire exclusivement de pondre
sur un hôte correspondant à celui de leur naissance (Wood, 1980). |
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À l'aide de son ovipositeur, la femelle pratique des incisions en deux rangées côte à côte. Plusieurs oeufs sont insérés dans chaque incision. La ponte est ensuite couverte d'écume protectrice. | ||
Ci-dessus des pontes sur le Robinier faux-acacia à la fin de septembre et au début d'octobre. Les masses d'écume sur le robinier sont étroites et allongées alors qu'elles sont ovales et allongées sur le caryer et le noyer (Pratt & Wood, 1992). | ||
Ci-dessus des pontes sur la Viorne flexible, fin septembre 2023. Les masses d'écume sont arrondies sur les Bourreau-des-arbres, Gainier rouge, Ptéléa trifolié, Tulipier de Virginie et viornes (Pratt & Wood, 1992). | 25 septembre. Une femelle était tout près des pontes. | |
Les masses d'écume observées à l'automne 2023 ont plus
ou moins persisté jusqu'au mois de mai 2024. Durant l'hiver, les
intempéries, écureuils de passage ou petits prédateurs ont effrité la
couche protectrice appliquée par les femelles, révélant
les incisions pratiquées par l'ovipositeur dans le bois des
branches. Aucune nymphe n'a été observée près des pontes mais
plutôt sur quelques viornes, à l'extrémité des tiges tendres de l'année. Photos à droite: des masses d'écume déposées en septembre et observées à la fin mai de l'année suivante. |
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Nymphes | ||
La couleur et les
projections dorsales des nymphes
associées aux hôtes du
complexe d'espèces sont différentes. Pratt
& Wood (1992) ont publié une clé des stades V. On
trouvera des photos sur BugGuide de nymphes
de divers hôtes, par exemple: Noyer
noir (Juglans
nigra), Gainier
rouge (Cercis
canadensis) et Ptéléa trifolié (Ptelea trifoliata). Complexe Enchenopa binotata sur la Viorne flexible (Viburnum lentago), nymphes au stades III. |
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Ci-dessus, une observation faite en 2010. L'espèce a persisté sur les Viornes flexibles jusqu'à leur redécouverte sur le même groupe d'arbuste en 2023. Ces nymphes sont au stade III. | Nymphe au stade III. | |
Complexe Enchenopa binotata sur la Viorne flexible (Viburnum lentago), nymphes aux stades IV. | ||
Stade IV. La nymphe n'a pas encore de projection qui s'avance au-dessus de la tête. | La couleur des nymphes varie: brun noir, rousse ou grise. | Stressée par la caméra, la nymphe expulse une goutte de miellat. |
Les fourmis sont généralement présentes auprès des nymphes, surtout si elles sont nombreuses. | ||
Complexe Enchenopa binotata sur la Viorne flexible (Viburnum lentago), nymphes aux stades V et adulte. | ||
Les deux nymphes à gauche sont plus jeunes que celle à droite, aux segments abdominaux plus écartés. Une des toutes dernières à avoir été observée dans la colonie, elle a probablement mué au stade adulte le lendemain de cette observation. | ||
La projection à l'avant de la tête formera la corne au stade
adulte. Vers l'arrière, la pointe (→) atteint le segment antérieur de
l'abdomen. Elle n'atteint pas l'abdomen au stade IV. Des dizaines de nymphes, certaines présentées ici, ont été observées du 3 au 26 juin sur un groupe de Viornes flexibles. Pas toutes au même stade de développement en même temps, elles sont disparues à mesure qu'elles muaient au stade adulte. Pourtant seulement deux adultes ont été observés le 25 juin, malgré des recherches assidues. |
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