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Habitat et comportement
Des insectes cryptiques à
distribution mondiale
Les punaises
appartenant
à cette famille sont difficiles à observer et
à étudier. Même si elles sont omniprésentes sur les rivages de divers
plans d'eau, leur petite taille et leur couleur brun-noir les
camouflent à merveille sur les fonds sablonneux ou rocheux des berges.
Leur habitat souvent boueux ou difficile d'accès, leur nature farouche
ainsi que leur agilité à déguerpir par petits sauts accompagnés de
courts vols constituent tout un défi à l'entomologiste ou au
photographe qui tente de les approcher.
Les Saldidae habitent généralement les zones humides bordant tous les types de cours d'eau, courants ou stagnants, d'eau douce ou salée. Ils vivent au nord jusque sur les rivages de l'océan Arctique. Même s'il est beaucoup plus fréquent de les observer sur les rivages de sable ou de boue, il arrive aussi de les voir loin des plans d'eau, dans des milieux secs. Plusieurs espèces observées au Québec sont aussi présentes en Europe, par exemple, Pentacora sphacelata, Salda littoralis, Saldula opacula, S.pallipes, S.saltatoria, Teloleuca bifasciata et T.pellucens. Saldidae sur les plages
côtières
Quelques espèces
de Saldidae se laissent submerger par la marée haute. Brown (1948) a
étudié le comportement de trois Saldidae sur les côtes de la
Grande-Bretagne. Il nomme l'une d'elles Saldula pallipes
(Fabricius);
un doute subsiste à savoir s'il s'agit bien de cette espèce ou encore
si elle correspond bien à la nord-américaine du même nom. Toutefois,
les
expériences qu'il a menées sont intéressantes et peuvent peut-être
s'appliquer aux espèces côtières qui vivent au Québec.
Brown a observé des adultes et des nymphes qui restaient agrippés aux végétaux submergés par la marée durant une période allant de deux à trois heures. Un plus grand nombre de nymphes que d'adultes ont été récoltées sous l'eau. En laboratoire, il a ensuite observé le comportement des punaises gardées captives sous l'eau. Brown croit que les bulles d'air qui les enveloppaient étaient probablement à portée des stigmates (orifice de respiration). Les denses et courts poils hydrofuges semblaient favoriser la présence des bulles d'air autour des insectes. Après un certain temps allant de 1,5 heure à plus de 4 heures, les adultes devenaient inactifs et tombaient dans une sorte de torpeur, les pattes repliées sous le corps, comme s'ils étaient morts. Une fois à l'air libre, 12 adultes parmi les 20 submergés pendant 14 heures ont survécu. Les nymphes ont mieux résisté car elles sont restées actives sous l'eau pendant près de 14 heures et ont toutes survécu à l'expérience. Comportements
Wiley
(1922) a élevé en captivité Salda
lugubris et Saldula
pallipes et a
noté une différence de comportement entre les deux espèces. Les adultes
S. lugubris
étaient prudents mais suffisamment curieux
pour venir
voir immédiatement ce qui se passait quand de la nourriture était
ajoutée ou enlevée. Au contraire, S.
pallipes cherchait à s'éloigner ou
à se cacher en pareil moment.
En 1974, Bobb a observé Pentacora ligata. Il note que la punaise pouvait rester immobile très longtemps. Si elle était dérangée, elle s'envolait sur un rocher voisin et se tournait immédiatement en direction du danger qu'elle avait perçu. Saldula saltatoria,
une excellente sauteuse
Burrows
(2009) a mesuré la performance et les techniques de saut de Saldula
saltatoria. Il a observé que la punaise utilise deux
stratégies
différentes qui donnent des performances similaires. Elle saute sans
ouvrir les ailes ou encore ouvre les ailes avant que les pattes
arrière propulsent l'insecte. En un peu moins de 4
millisecondes,
S. saltatoria
a atteint une vitesse de 1,3 millimètre par seconde. Les
muscles du trochanter accumulent de l'énergie avant le saut et la
libèrent subitement pour créer un effet de catapulte. D'après l'auteur,
ce ne sont pas tous les Saldidae qui sautent. Il compare la performance
de S. saltatoria
avec le cercope Philaenus
spumarius. Ce dernier a une
accélération quatre fois plus rapide et sa vitesse est 2,6 fois plus
grande que celle de S.
saltatoria. Les cercopes sont toutefois les
insectes les plus performants au saut, à ce jour.L'alimentation
Polhemus
(1985) a étudié le mode d'alimentation de plusieurs espèces de
Saldidae. Il a observé que les yeux ainsi que les chimiorécepteurs qui
garnissent leurs antennes interviennent dans la détection de proies
mortes ou vivantes, visibles ou encore enfouies dans le sol.
Olfaction
La
performance des chimiorécepteurs a été testée en diluant de façon
considérable de minuscules morceaux de nourriture offerts aux punaises.
Salda provancheri,
après un jeune de 24 heures, a cherché et trouvé un
extrait aqueux d'un morceau de larve de tipule de 3 mm dilué à
1: 6000.
Les Saldidae consacrent beaucoup de temps au nettoyage de leurs
antennes entretenues à l'aide de rangées de poils situées à l'extrémité
des tibias et qui jouent le rôle de peignes. Après avoir enduit les
antennes d'un produit bloquant la réceptivité de leurs capteurs, les
punaises restaient sur place et procédaient à un nettoyage en
profondeur des antennes. Elles reprenaient leur activité de recherche
de nourriture uniquement lorsque le nettoyage était terminé.
Vision
Polhemus
(1985) a aussi testé le comportement visuel de trois espèces de
Saldidae, notamment celui de Saldula
pallipes.
L'approche rapide de
petites pinces de laboratoire vers les punaises a déclenché leur fuite
précipitée accompagnée de sauts pour s'éloigner. L'approche lente des
pinces
a été reçue avec indifférence ou a entraîné une retraite sans panique.
Par contre toutes les punaises se sont dirigées, pattes avant et rostre
tendus, vers les pinces qu'on approchait lentement d'elles mais en les
faisant vibrer. Saldula
pallipes n'a pas réagi lorsqu'on lui a présenté
directement un ver de 4 mm de long. Le même ver, offert en le faisant
vibrer a déclenché le comportement d'alimentation. Salda provancheri a
eu un comportement similaire mais contrairement à Saldula pallipes,
était attiré systématiquement par des proies correspondant à sa propre
taille.
Largeur des antennes et
le mode de recherche de nourriture
Polhemus
(1985) a observé une certaine relation entre le diamètre des antennes
qui portent des sensilles plus ou moins développées et les territoires
de chasse
des Saldidae. Les punaises aux antennes de grand diamètre, aux
sensilles (odorat) plus développées, habitent des
milieux où les proies sont cachées plus profondément dans le
sol. Ces espèces ont d'ailleurs démontré une meilleure
chimioréceptivité lors des tests. Les espèces aux antennes plus fines
habitent des milieux
où le sol humide est compact. Et enfin, les Saldidae aux très fines
antennes chassent des proies en surface, sur les rochers, sur
la mince couche de vase
ou parmi
les algues ou les détritus. Ces espèces ont le moins bien réussi aux
tests de chimioréceptivité et utilisent probablement la vue, de
préférence à l'odorat, pour trouver leur nourriture.
Reproduction
Les Saldidae
s'accouplent côte à côte, en formant un V. Une plaque pourvue d'épines
chez
le mâle s'unit avec une zone au bord de l'hémélytre de la
femelle pour renforcer la position du couple qui peut marcher et
sauter
durant l'accouplement, sans que ce dernier soit interrompu (Polhemus,
1976). S'il ne réussit pas à saisir la femelle, le mâle s'éloigne
prudemment car celle-ci peut l'attaquer.
La plupart des Saldidae pondent leurs oeufs dans le sol ou dans un végétal, laissant exposée à l'air ou à l'eau une petite région à l'extrémité antérieure de l'oeuf. La femelle dépose ses oeufs d'une façon remarquable. Elle oriente l'extrémité de son ovipositeur vers l'avant, c'est-à-dire en direction de sa tête et non vers l'arrière, comme le font la plupart des Hétéroptères. La punaise semi-aquatique du genre Mesovelia fait de même (Cobben, 1968). Hungerford (1918) a observé des oeufs de Lampracanthia crassicornis à la base de végétaux et insérés par l'ovipositeur à l'intérieur de la plante (illustration à droite). Selon l'espèce et le climat, les adultes ou les oeufs hibernent. |
Saldula sp. |
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Saldula saltatoria: parfait camouflage sur ce fond sablonneux. |
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Saldula sp. Les Saldidae sont aplatis dorso-ventralement. |
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Saldula sp. en train de s'alimenter aux dépens d'un arthropode échoué sur le rivage d'un cours d'eau. |
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Saldula sp. se nettoie une antenne avec la frange de poils en forme de peigne qui borde l'extrémité de son tibia. La propreté des antennes est vitale pour certains Saldidae car elles leur permettent de détecter la nourriture enfouie dans le sol. |
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Nymphes | ||
La coloration des nymphes varie d'une espèce à l'autre mais aussi au sein d'une même espèce. Hélas, il existe peu de documentation décrivant les immatures. La nymphe toute noire, ci-dessous à droite, a été observée aux abords d'une flaque d'eau éphémère. Des stades IV et V ont été observés. Le stade V mesurait un peu plus de 4 mm. Trois espèces d'adultes ont été vus sur ce même site, au même moment: Micracanthia sp., Salda lugubris et Saldula pallipes. La nymphe pourrait être Salda lugubris qui est, d'après Wiley (1922) complètement noire, luisante et de grande taille (stade V entre 4,5 et 4,8 mm). Micracanthia sp., même adulte, est plus petite que 4 mm et S. pallipes décrite par Wiley n'est pas toute noire. | ||
Stade V, espèce indéterminée. | Stade V, espèce indéterminée (3 mm). | Stade IV, Salda lugubris, possible. |
Adultes | ||
L'identification
des Saldidae à partir de photos permet généralement de déterminer le
genre mais plus difficilement l'espèce. La présence de cinq cellules
fermées sur la membrane est unique au genre Pentacora, les
autres Saldidae en ont quatre.
Lampracanthia crassicornis, entièrement noire et luisante
a une forme typique qui permet de l'identifier facilement. Les espèces
du genre Salda
ont les hémélytres dépourvus de grandes zones claires. Les Micracanthia sont
plus petites que la majorité des Saldidae. Les Teloleuca ont de
larges bandes claires sur le dos et ressemblent superficiellement à Saldula. Certaines
espèces de Saldula,
par exemple S. pallipes,
peuvent être presque entièrement foncées ou à demi pâles. Ce sont les
plus déroutantes. Plusieurs photos d'espèces présentes au Québec peuvent être consultées ici, en mode tableau: University of British Columbia. |
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Micracanthia sp. Saldula sp. |
Saldula pallipes. L'étendue des taches claires sur les ailes varie énormément d'un individu à l'autre. |
Saldula ablusa. La présence des marges latérales pâles du pronotum chez certains spécimens est un caractère distinctif de cette espèce. |
Liste des espèces de Saldidae du Québec |
La liste des
espèces a été tirée de Maw et
al. (2000). Une espèce a été ajoutée, Saldula ablusa (C.Pilon,
2014, non publié). Pour connaître les espèces
présentes
dans les
régions adjacentes au Québec, consultez la liste de
Roch (2024). Les données de longueur des punaises proviennent de Brooks
& Kelton 1967, de Bennett & Cook (1981) et de Polhemus
(1985). Les habitats sont presque toujours des lieux humides sauf si le contraire est précisé. Les Saldidae vivent en bordure des plans d'eau énumérés ci-dessous et non à leur surface. |
Nom |
Sous-famille |
Longueur (mm) |
Habitats |
Lampracanthia crassicornis (Uhler) | Saldinae | 4,0 - 5,0 | prés, marais, marécages, rivages de lacs; carex, herbages, mousses, myriques. |
Micracanthia bergrothi (Jakovlev) | Saldinae | 2,5 - 3,3 | sable humide ou presque sec à végétation clairsemée, glaise, rivages de lacs; mousses. |
Micracanthia humilis (Say) | Saldinae | 2,64 | grande variété d'habitats, parfois loin de l'eau, mais généralement en bordure de cours d'eau, étangs, régions marécageuses; herbes, roseaux. |
Pentacora hirta (Say) | Chiloxanthinae | 5,46 - 5,95 | habitats salés ou saumâtres; zones côtières, marais, plages, battures sablonneuses; carex. |
Pentacora ligata (Say) | Chiloxanthinae | 5,5 - 6,0 | habitats d'eau douce, contrairement aux deux autres espèces de Pentacora; rochers et buches qui émergent des cours d'eau à débit rapide, rochers des rivages, piliers de ponts quand les rochers sont absents, sol sablonneux. |
Pentacora sphacelata (Uhler) | Chiloxanthinae | 4,28 - 4,8 | habitats salés ou saumâtres rarement en eau douce;
zones côtières, vasières dans la zone de balancement des marées,
marais, plages, piliers des jetées; végétation clairsemée, carex,
spartine. Polhemus (1985) observe leur va-et-vient routinier entre la plage à marée basse et des rochers émergents à marée haute. |
Salda littoralis (Linnaeus) | Saldinae | 5,5 - 6,5 | supporte des habitats de diverses salinités; marais
salants, lacs d'eau douce, rivages parfois éloignés de l'eau, rivières,
limon; parmi la végétation. peu fréquent dans les larges zones à découvert car en cas de danger il se réfugie dans la végétation. |
Salda lugubris (Say) | Saldinae | 5,6 - 8,4 | prairies humides, lacs, étangs, cours d'eau, plages sablonneuses; carex, éléocharides, herbes, roseaux, typhas, parmi des débris. |
Salda obscura Provancher | Saldinae | 5,5 - 6,5 | habitats plutôt secs avec de la végétation, marécages, tourbières, cours d'eau, sol sablonneux; carex, joncs, mousses, myriques. |
Salda provancheri (Kelton & Lattin) | Saldinae | 5,5 - 7,5 | marais à végétation dense, rivages de lacs ou d'étangs herbeux, loin de l'eau; mousses, touffes d'herbes. |
Saldula ablusa Drake & Hottes | Saldinae | 3,4 - 4,3 | rivages sablonneux des étangs et des cours d'eau. |
Saldula bouchervillei (Provancher) | Saldinae | 6,0 - 7,5 | tolère des habitats divers; habitats humides à presque
secs, surfaces humides dégagées parmi des herbages, marais, plages,
sols sablonneux, rocheux ou boueux; camarines (Empetrum), fléoles
(Phleum),
lédons (Ledum),
mousses, végétation basse. reste près du sol, marche et ne vole pas. |
Saldula confluenta (Say) | Saldinae | 5,5 - 7,0 | roches en bordure de rivières, berges sablonneuses de cours d'eau surplombés d'herbages, nymphes sur la berge boueuse ombragée d'un cours d'eau. |
Saldula nigrita Parshley | Saldinae | 5,0 - 6,4 | semble limité à certains habitats dominés par les
rochers; rochers bordant des cours d'eau, rivages sablonneux ou rocheux
de lacs et d'étangs. se cache sous les roches et s'expose à découvert très brièvement. |
Saldula opacula (Zetterstedt) | Saldinae | 2,8 - 4,0 | zones marécageuses, étangs, lacs; dense plantation émergente de roseaux, mousses, typhas (Typha latifolia), végétation flottante. |
Saldula orbiculata (Uhler) | Saldinae | 3,5 - 3,9 | végétation dense autour des sources et des suintements, marais, plage avec galets; herbages, mousses. |
Saldula pallipes (Fabricius) | Saldinae | 3,6 - 4,8 | adapté à de multiples habitats; marais, plages boueuses ou sablonneuses d'étangs, de lacs ou de cours d'eau, plages rocheuses de cours d'eau à grand débit, zones côtières. |
Saldula saltatoria (Linnaeus) | Saldinae | 3,3 - 4,3 | cours d'eau, étangs, régions ombragées; mousses, parmi les feuilles et débris. |
Teloleuca bifasciata (Thomson) | Saldinae | 4,2 - 5,5 | le long de petits cours d'eau au fond de ravins, en montagne. |
Teloleuca pellucens (Fabricius) | Saldinae | 4,5 - 6,0 | en forêt, sol sablonneux; sous l'écorce de buches de peupliers pourissants et couverts de mousse. |
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