Punaises - Rhopalidae

Description  Les ouvertures (ostioles) des glandes odorantes des punaises adultes sont fortement réduites, d'où le nom en anglais de cette famille, scentless plant bugs. La position des deux ostioles sur la partie dorsale de l'abdomen des immatures est unique aux Rhopalidae et partagée par toutes les espèces appartenant à cette famille (Schuh & Slater, 1995). De nombreuses nervures parcourent les membranes des ailes; la tête est triangulaire.

Les genres Harmostes et Boisea sont les plus grands de la famille et relativement faciles à reconnaître. Harmostes a de robustes épines sur les fémurs postérieurs; Boisea est noir à rayures orange; sa nymphe est semblable à celle de la Punaise de l'aclépiade, Lygaeus kalmii (Lygaeidae).

Les genres Arhyssus, Liorhyssus et Stictopleurus sont plus difficiles à déterminer. Généralement bruns mais aux nuances qui peuvent varier d'un individu à l'autre, ils se ressemblent beaucoup. De plus ils sont superficiellement semblables à quelques punaises appartenant à la famille des Lygaeidae, par exemple certains Nysius et Neortholomus. L'observation en vue latérale de l'ouverture des glandes odorantes du thorax fournit un bon indice pour déterminer qu'il s'agit ou non d'un Rhopalidae.
Stictopleurus punctiventris
Stictopleurus punctiventris
Nombres  Cinq genres et sept espèces de Rhopalidae sont présents au Québec (Roch, 2024) et Scudder (2008). Henry (2009) compte 21 genres et 209 espèces mondialement.
Alimentation  Phytophage principalement. Arhyssus, Liorhyssus et Stictopleurus s'alimentent des parties reproductives des végétaux: boutons de fleurs, fleurs, graines et fruits. Mais les feuilles sont aussi consommées (Readio, 1928). Harmostes recherche les Astéracées et Boisea l'Érable à Giguère, notamment.
Taille  De taille moyenne (entre 5 et 13 mm).
Taxinomie  On trouvera la famille sous le nom de Corizidae dans Blatchley (1926). Les genres et les espèces ont aussi subi quelques révisions. Quelques synonymes sont mentionnés à la fin de cette page.
Harmostes reflexulus
H. reflexulus se distingue assez facilement des autres Rhopalidae. Sa grande taille, ses couleurs, et surtout la présence de larges épines sur les fémurs postérieurs sont distinctives. L'espèce hibernerait au stade adulte à la base de plants de molène ou sous des souches (Blatchley, 1926).

Elle s'alimente sur les pétioles et les têtes en fleur de diverses plantes appartenant aux Astéracées, notamment l'Érigéron hispide (Erigeron strigosus), l'Érigéron annuel (Erigeron annuus) et l'Achillée millefeuille (Achillea millefolium). Au fil de l'été, les insectes se déplacent d'hôtes en suivant les floraisons des végétaux (Yonke & Walker, 1970). Les punaises ci-dessous ont en effet été observées au début de juillet sur la Marguerite (Leucanthemum vulgare), en septembre sur de l'aster et de la verge d'or à floraison automnale et en octobre sur de la desmodie desséchée où persistaient peut-être encore des graines.

Photo à droite, un accouplement le 7 septembre sur de la verge d'or.
Harmostes reflexulus
Harmostes reflexulus Harmostes reflexulus Harmostes reflexulus pattes
La couleur des adultes H. reflexulus est extrêmement variable. Yonke & Walker (1970) ont observé des punaises élevées en captivité. Un mois après avoir mué au stade adulte, la couleur des punaises passait de brun rougeâtre à vert. Ce changement de couleur pourrait expliquer, d'après eux, pourquoi en nature on observe une telle différence de coloration. Parmi les Rhopalidae, les larges épines sous le fémur des pattes postérieures sont distinctives du genre Harmostes.
Harmostes reflexulus nymphes Harmostes reflexulus nymphes Harmostes reflexulus nymphes
Nymphe au stade III, début juillet sur une fleur de marguerite. Nymphe au stade IV, début juillet sur une fleur de marguerite. Nymphe au stade V, 3 octobre. Appartient probablement à la seconde génération qui hibernera en adulte.
Stictopleurus et Arhyssus comparaison
Ces deux genres de punaises sont superficiellement très semblables. De plus, leurs motifs et leur coloration peuvent varier d'un individu à l'autre. Voici ce qui distingue les deux genres:
Le métapleuron (région latérale postérieure du thorax) de Stictopleurus est peu ou pas divisé et sa marge postérieure est presque droite. Chez Arhyssus, la marge postérieure du métapleuron s'allonge en pointe vers l'arrière. Voir l'illustration ci-dessous.

Les deux extrémités du sillon transversal à l'avant du pronotum se terminent en boucles chez Stictopleurus mais non chez Arhyssus. Voir les photos ci-dessous.
Stictopleurus sp. boucles
Stictopleurus sp. Chaque sillon transversal du
pronotum se termine pas une boucle (→).
Arhyssus sp. sillon
Arhyssus sp. Chaque sillon transversal du pronotum forme une ligne continue (→).
Stictopleurus punctiventris
Stictopleurus punctiventris Stictopleurus punctiventris Stictopleurus punctiventris nymphes
Blatchley (1926) cite Uhler (1876) qui note que S. punctiventris, tout comme d'ailleurs Arhyssus lateralis deviennent parfois d'une couleur rouge qui transforme complètement leur apparence. D'après J.-F. Roch, (comm. pers.), l'individu rouge serait S. knighti. Difficile à confirmer sans spécimen. Plusieurs nymphes à divers stades colonisaient une graminée au début de juillet.
Stictopleurus punctiventris nymphe Stictopleurus punctiventris nymphe Stictopleurus punctiventris nymphe
Nymphes Stictopleurus punctiventris, stade V.  Chez les nymphes Rhopalidae la position des deux ostioles de la partie dorsale de l'abdomen est unique. Les ostioles sont situés respectivement entre les segments IV et V et entre les segments V et VI. L'ostiole postérieur s'avance quasiment au milieu du segment V qui, vu de dos, semble pincé au centre. Les sillons du pronotum se terminent en boucle, comme chez les adultes. S. punctiventris stade II ou III. La pilosité abondante et dressée couvre toute la nymphe, incluant les antennes.
Arhyssus nigristernum
Blatchley (1926) aurait aperçu A. nigristernum sur des fleurs de cornouiller (Cornus alternifolia). Ici, l'adulte était sur de la verge d'or et les nymphes sur du trèfle et de l'herbe.
Arhyssus nigristernum Arhyssus nigristernum nymphe Arhyssus nigristernum nymphe
Arhyssus nigristernum. Abdomen: motif en X pâle (→) (Blatchley, 1926) et côtés légèrement plus arqués que ceux d'A. lateralis (Chopra, 1968). A. nigristernum. Nymphe au stade V.  Chaque segment de l'abdomen se termine par une tache noire (→), absente chez A. lateralis. Abondante pilosité dorsale, vue de profil. Cet individu était vraiment rouge, contrairement à celui à gauche.
Arhyssus lateralis
Blatchley (1926) aurait aperçu A. lateralis sur du Gainier rouge (Cercis canadensis). Hambleton (1909) a observé A. lateralis en grande abondance sur la Renouée de Pennsylvanie (Polygonum pensylvanicum) ainsi que sur la Renouée persicaire (Persicaria maculosa), où toutefois il n'a pas observé d'oeufs ou de nymphes même si des colonies d'adultes s'y nourrissaient. Hambleton croit que la présence de poils glanduleux sur les pétioles de la Renouée de Pennsylvanie pourrait agir comme un stimulus à l'oviposition. Ces poils sont absents de la Renouée persicaire.
Arhyssus lateralis
Arhyssus lateralis n'a pas de taches sombres sur le connexivum (→), contrairement à A. nigristernum (Blatchley, 1926). Les oeufs sont généralement déposés sur le pétiole en groupes de deux à douze oeufs, quelques centimètres en dessous des fleurs. Les oeufs sont rattachés à l'hôte par un fil mesurant entre 1 et 2 mm, chacun d'eux partant de l'hôte d'un même point (voir ci-dessus). Readio (1928) note que les fils des groupes d'oeufs d'autres espèces de Rhopalidae ne partent pas tous du même point. Il donne en exemple Liorhyssus hyalinus.
Boisea trivittata
L'espèce se distingue facilement des autres Rhopalidae du Québec par sa couleur noire marquée de lignes rouges ou orange et par sa taille plus grande (>11 mm). Smith & Shepherd (1937) notent que, contrairement à la croyance populaire qui l'associe principalement à l'Érable à Giguère (Acer negundo), B. trivittata s'alimente d'une vaste gamme de végétaux. Vingt-trois hôtes ont été identifiés à l'époque: pommier, frêne, chêne, tilleul, lilas, févier, framboisier, etc. La punaise se nourrit à l'occasion d'insectes morts (cigale, coléoptère).

Début septembre, une centaine de B. trivittata s'activent au sol, surplombé par un Érable à Giguère. Les adultes, farouches, s'envolent volontiers. Les nymphes à tous les stades circulent en tout sens ou se regroupent sur des samares tombées de l'arbre. Plusieurs oeufs éclos ou non étaient présents sur l'érable mais aussi sur un frêne voisin. Toutes les photos ci-dessous proviennent de ce site.
Boisea trivittata Boisea trivittata nymphe Boisea trivittata nymphe
Adulte. Nymphe au stade V. Nymphe au stade II ou III.
Boisea trivittata oeufs Boisea trivittata oeufs Boisea trivittata oeufs
Oeufs de B. trivittata sous la feuille d'un frêne. Sur l'opercule de l'oeuf (→), de minuscules protubérances sont disposées en fer à cheval. Oeufs éclos.

Les adultes hibernent en groupe. À l'automne, ils se rassemblent en grand nombre en compagnie de nymphes, le long des murs des bâtiments, à la recherche d'un abri pour l'hiver. Les insectes s'introduisent parfois à l'intérieur des maisons. Ils ne constituent pas une menace pour la santé humaine mais peuvent devenir une nuisance lorsqu'ils sont très nombreux. Les abris naturels sont aussi utilisés, par exemple sous des feuilles ou des débris en zone protégée, sous l'écorce ou dans les cavités des arbres. Les nymphes qui n'ont pas le temps de terminer leur développement ne survivront vraisemblablement pas à l'hiver.

Smith & Shepherd (1937) ont remarqué que B. trivittata a peu de prédateurs connus. Les oiseaux, pourtant observés à proximité des insectes rassemblés en grand nombre, les dédaignent. Les auteurs ont récolté 452 oeufs qui ont éclos sans qu'aucun ne soit parasité. Seules les araignées semblent se nourrir de cette punaise.

En 1952, Tinker a publié ses observations de l'espèce comme hôte de l'Érable à Giguère. Au printemps, il a observé les adultes le long des murs de bâtiments, sur les surfaces exposées à la chaleur du soleil, avant leur envol pour chercher de la nourriture. Il remarque la très nette préférence des punaises pour les fruits de l'Érable à Giguère. Au printemps et au début de l'été, elles se nourrissent des samares de l'année précédente, tombées au sol. Il les observe alors sous les érables, parmi la végétation basse. Il a observé jusqu'à une douzaine de nymphes « attablées » autour d'une même samare et s'y nourrissant. Plus tard en saison, lorsque les fruits viennent à maturité, les insectes se déplacent vers les arbres où ils peuvent aussi, mais moins fréquemment, se nourrir du feuillage.

L'Érable à Giguère porte ses fleurs femelles et mâles sur des arbres différents. Parce que les arbres à fleurs mâles ne donnent pas de fruits, il a observé peu ou aucune punaise B. trivittata sur ces derniers.


Boisea trivittata nymphes
Au sol, les nymphes à divers stades partagent de la nourriture.
Boisea trivittata nymphes
Deux nymphes sur une samare au sol.
Liorhyssus hyalinus
La membrane qui se prolonge bien au-delà de l'abdomen, le dernier article des antennes nettement plus long que les autres et les deux marges latérales du pronotum généralement pâles sont des caractères distinctifs de cette espèce. L. hyalinus peut être jaune, rougeâtre ou brune. La punaise se nourrit sur de l'euphorbe (Osborn cité dans Readio, 1928). Readio l'a élevée sur de la Laitue serriole (Lactuca serriola) et a observé en nature, sur ce même hôte, des oeufs, des nymphes et des adultes en grand nombre.

Lors de ses élevages en captivité, Readio a observé la façon remarquable dont s'alimentent les nymphes L. hyalinus. Chez les punaises, les stylets forment un tube qui perce la nourriture et en aspire les fluides. Au repos, ils sont enchâssés dans un sillon du labium, à l'avant du rostre. À mesure que les stylets s'enfoncent à la verticale dans le végétal, le labium se replie en zigzag. Toutefois, lorsque les stylets des nymphes étaient profondément enfoncés dans le végétal, ils se dégageaient complètement du labium qui se repliait alors sous le ventre. Lorsque la nymphe avait fini de se nourrir, elle retirait ses stylets du végétal, ramenait son rostre vers l'avant et replaçait ses stylets dans le sillon du labium en se servant de ses tibias antérieurs.

La femelle pond ses oeufs, rouges à tous les stades d'incubation, sur n'importe quelle partie de la plante hôte. Readio a observé que sur la Laitue serriole, la femelle choisissait de préférence les zones à proximité des fleurs pour déposer ses oeufs en groupes pouvant atteindre 50 oeufs. Les oeufs étaient rarement pondus seuls. Chaque oeuf était attaché individuellement par une sorte de pétiole mesurant 0,03 mm. Une femelle a pondu 558 oeufs durant les 50 jours qu'a duré sa captivité.

Voir une photo de l'adulte sur BugGuide.
Liste des espèces de Rhopalidae du Québec
La liste des espèces a été tirée de Maw et al. (2000), de Scudder (2008) et de Roch (2024). Pour connaître les espèces présentes dans les régions adjacentes au Québec, consultez la liste de Roch (2024). La longueur des punaises provient de Blatchley (1926), sauf S. knighti qui provient du descripteur.
Nom
Sous-famille

Longueur (mm)
Notes
Arhyssus lateralis (Say) Rhopalinae 5,0 - 7,5 Corizus lateralis est un synonyme.
Arhyssus nigristernum (Signoret) Rhopalinae 5,0 - 6,0 Corizus bohemani est un synonyme.
Boisea trivittata (Say) Serinethinae 11,0 - 13,5 Absente de Maw et al. (2000). Smith & Shepherd (1937) mentionne sa présence au Québec, sans préciser la source de l'observation. Observée à Roberval en 2013 par Lise Chiricota. Leptocoris trivittatus est un synonyme.
Harmostes reflexulus (Say) Rhopalinae 7,5 - 9,0
Liorhyssus hyalinus (Fabricius) Rhopalinae 5,5 - 6,5 Espèce absente de Maw et al. (2000). Mention dans Scudder (2008).
Stictopleurus knighti Harris Rhopalinae 6,6 - 7,9 Espèce absente de Maw et al. (2000) mais présente dans Roch (2024)
Stictopleurus punctiventris (Dallas) Rhopalinae 6,0 - 8,5 Notamment dans Blatchley (1926), longtemps nommée à tort S. crassicornis, une espèce européenne.

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